Les indépendances ont été un moment important dans la lutte des peuples africains pour leur autodétermination. Mais rançais et anglais) souveraineté internationale n’a pas mis fin à toutes les facettes de la domination coloniale européenne. L’africanisation progressive des structures politiques et administratives a gommé certains aspects visibles du colonialisme classique. D’autres aspects comme la domination des anciennes métropoles coloniales et de leurs entreprises sur les ressources naturelles, le commerce extérieur, le secteur bancaire et d’autres secteurs stratégiques, etc. de leurs anciennes colonies ont survécu aux indépendances. Kwame Nkrumah avait en son temps rendu compte de cette situation avec le concept de néocolonialisme. « L’essence du néocolonialisme, écrivait Nkrumah, est que l’État qui y est soumis est, en théorie, indépendant et possède tous les attributs extérieurs de la souveraineté internationale. En réalité, son système économique et donc sa politique sont dirigés de l’extérieur. »
De nos jours, les relations entre les anciennes métropoles et leurs anciennes colonies ne sont plus aussi étroites que de par le passé. Même si l’Angleterre, la France, le Portugal, etc. gardent, selon les cas, une influence plus ou moins importante dans leurs anciens empires coloniaux, leurs parts de marché et la domination de leurs entreprises se sont érodées sous l’effet de la concurrence de pays comme les Etats-Unis, la Chine, l’Allemagne, l’Inde, etc. Cette diversification des relations économiques, financières, diplomatiques, etc., n’a pas encore permis, dans la plupart des cas, de sortir du modèle de spécialisation primaire hérité de la période coloniale, et qui les place toujours dans une position périphérique dans la division internationale du travail. Malheureusement, les politiques conduites par les gouvernements africains sous la dictée des Institutions Financières Internationales, comme le libre-échange, la libéralisation financière, la privatisation des entreprises publiques et le retrait de l’Etat, l’austérité fiscale, etc., semblent les enfoncer davantage dans l’impasse.
La revendication de souveraineté économique et monétaire, portée par un nombre important de mouvements sociaux et d’intellectuels, exprime le désir de voir le continent africain avoir les coudées franches sur ses ressources, ses instruments d’action, l’orientation de son développement et la définition de ses priorités économiques et sociales. Elle suppose donc une résistance contre l’impérialisme économique, sous ses différentes formes, ainsi que les épistémologies d’essence coloniale et celles qui justifient les inégalités économiques et sociales.
La deuxième édition de la Conférence sur la Souveraineté Economique et Monétaire de l’Afrique s’est tenue à Dakar du 25 au 28 octobre 2022. Dans le sillage de la première édition (Tunis, novembre 2019), les participant.e.s ont essayé d’une part d’analyser les contraintes monétaires et économiques auxquelles font face les pays du Sud, l’Afrique en particulier, et d’autre part de concevoir des stratégies pour les surmonter. L’accent a été mis sur les réponses panafricanistes et internationalistes à apporter à la crise socio-écologique actuelle en partant de la mobilisation des approches économiques hétérodoxes détaillées concrètement dans les interventions de Howard Stein de l’Université de Michigan et Ingrid Kvangraven du King’s College. En effet, le naufrage des politiques publiques inspirées par l’économie mainstream/néoclassique des politiques publiques est un constat largement partagé un peu partout.